Depuis plus de 200 ans, le houblon fait partie du paysage agricole alsacien. Mais comment cela s’est-il construit ? Qui est à l’origine de cette culture en Alsace, territoire qui produit la très grande majorité du houblon français actuel ?
On doit l’arrivée et le lancement de la culture du houblon en Alsace à un brasseur de Haguenau (67) : Ignace Derendinger.
Ignace est originaire d’Achern (pas très loin de Haguenau, de l’autre côté du Rhin). Il est brasseur et arrive dans le coin en 1802, quand il se marie à Elisabeth Pfohl, veuve d’un brasseur. A cette époque, les brasseurs Alsaciens sont complètement dépendants de la production étrangère pour la fourniture en houblon. Une pénurie pousse Ignace à faire venir quelques 800 plants de la ville de Saaz en Bohème (aujourd’hui en République Tchèque). Saaz ? Oui, c’est bien le nom d’un houblon aromatique très répandu.
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Quelques années auparavant, le pasteur du village d’Oberhoffen (Ehrenpfort) (à quelques kilomètres) avait déjà tenté une installation de houblon, mais restée confidentielle.
Mais les brasseurs du coin, notamment de Strasbourg ne sont pas intéressés par ces houblons désormais locaux de chez Derendinger. Ils restent attachés aux houblons étrangers, et c’est d’abord grâce au soutien du préfet de l’époque que Derendinger va pouvoir continuer à développer la culture houblonnière. Les premières récoltes sont faibles (100kg en 1812 pour la première récolte « correcte ») et servent du coup aux brasseurs de la ville (une dizaine à cette époque). Quelques années plus tard, la production atteint des quantités bien plus importantes, avec 8000 kg de houblon en 1826. Entre temps les brasseurs de Strasbourg s’y sont enfin mis (notamment en suivant un brasseur dénommé Schwartz). La production est utilisée dans la région pour moitié environ, et l’autre partie est envoyée dans le reste de la France. Et ça continue de grimper ! Un comptage de houblonnières en 1867 évoque 1 520 000 perches dans la région ! Ici, tout le monde s’y est mis. Sur des terres un peu mauvaises à la culture des céréales, les paysans de l’époques se sont jetés sur cette culture du houblon. En 1866, le territoire de la ville compte 514 hectares consacrés au houblon. Et cela n’est que pour ce territoire. Tout autour, la culture s’est également développée.
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On a donc un territoire qui s’est largement consacré à cette culture et dont la ville bénéficie directement. La municipalité d’alors fait construire en 1862 la Halle aux Houblons (qu’on peut toujours voir aujourd’hui), marché spécialement dédié qui sera LE centre névralgique du commerce lupulin. L’année suivante, il y aura même un syndicat des planteurs et des commerçants du houblon qui se créera, et le 13 octobre 1867, pour inaugurer le lieu, on organise une grand exposition internationale de houblons, bières et articles de brasserie.
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Les affaires tournent plutôt bien pour la filière du houblon. On fait venir des ouvriers de loin pour la cueillette, les séchoirs se développent aussi. Certaines années, on stocke même du houblon dans les écoles (la rentrée étant plutôt autour du 1er octobre).
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Mais le succès ne dure pas et la place commence à perdre de son importance, notamment quand les villes allemandes comme Nuremberg s’organisent et prennent le dessus sur le commerce du houblon. La production du territoire baissera fortement mais reprendra quelques décennies plus tard.
Sources :
Archives municipales de la Ville de Haguenau (un grand merci à Michel Traband)
Etudes haguenoviennes
Sitzmann – Biographie des hommes célèbres d’Alsace
Encyclopédie de l’Alsace
Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne
Bière et alchimie – Bertrand Hell
Gallica